Brigitte Texier et Eva Beschemin

Dirigeantes de Canasuc
Reprendre une entreprise en pleine crise sanitaire ? Ce n'était pas prévisible, mais elles l'ont fait. Rencontre avec Brigitte Texier et Eva Beschemin, dirigeantes de la société artisanale Canasuc installée à Ury dans le sud de la Seine-et-Marne. Découvrez une TPE qui s'est spécialisée dans l'art du sucre à la française et qui travaille à renouveler ses collections même en pleine tempête.
photo brigitte texier eva beschemin

 

En 1992, Pierre Bosc-Bierne lance Canasuc après avoir parcouru le monde pour commercialiser des confitures de luxe. A travers ses voyages, il découvre le bâtonnet de sucre candi et a un coup de coeur pour cet objet aussi brillant qu’un diamant. En adaptant ces bâtonnets à la culture de l’expresso, le succès commence et la petite canne donne son nom à la marque « Canasuc ».

S’en suit le développement d’une expertise ingénieuse : le façonnage et le moulage du sucre. Ce savoir-faire unique établi en Seine-et-Marne depuis presque 30 ans (et à Ury depuis une dizaine d’années), donne naissance à des collections élégantes et créatives.

Le fruit de cette expérience est aujourd’hui un secret bien gardé dans la maison, reprise en juin 2020 par un duo de femmes entrepreneures : Brigitte Texier et Eva Beschemin. Rencontre.

Comment en êtes-vous venues à reprendre Canasuc ?

Brigitte : Cela fait 20 ans que l’on se connaît avec Eva, et nous en étions à une étape de nos carrières où nous avons jugé avoir fait notre temps dans des grands groupes. Je viens de l’industrie pharmaceutique où j’ai travaillé sur tout ce qui est supply chain, logistique, service client, production, etc. Eva a de multiples casquettes… Marketing, communication, vente qu’elle a exercées dans des univers très hétéroclites comme la cosmétique ou la serrurerie. Nous avons considéré nos expériences comme abouties et nous avions, l’une et l’autre, la volonté de reprendre les reines d’une activité où l’on créé du beau ou du bon. C’est comme ça que nous avons choisi de nous lancer ensemble, et cette idée a mûrie pendant environ 4-5 ans. J’ai personnellement eu l’opportunité de quitter mon entreprise il y a un peu plus de 2 ans et j’ai pu me lancer, tête la première, dans la recherche d’une entreprise à reprendre. Eva était encore en poste à l’époque. Au fil du temps, nous avons réussi à trouver Canasuc, une entreprise qui répondait à notre ciblage : une entreprise française, TPE/PME, possédant un savoir-faire dans l’univers de l’art de vivre à la française.

Eva : Canasuc nous a été présentée par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris. Et la Seine-et-Marne est venue nous trouver. A partir de là, nous avons imaginé un plan de reprise qui devait être lancé le 15 avril 2020. Crise sanitaire oblige, les choses ont été bousculées et nous avons réellement démarré en juin.

Comment la pandémie a affecté votre reprise ?

Eva : Tout d’abord, nous sommes dans une entreprise qui a déjà beaucoup souffert de la disparition de son fondateur il y a trois ans et qui n’avait plus l’énergie et le dynamisme qu’il pouvait insuffler. Nous étions donc déjà dans un contexte où les ventes étaient en train de diminuer. A cela s’est ajouté la Covid-19 et le confinement qui ont été très difficiles. Nous sommes sur le marché du cadeau gourmand et nos produits sont vendus essentiellement dans les grands magasins, les boutiques d’épicerie fine ainsi que quelques boutiques de décoration. Nous travaillons également avec des hôtels et restaurants… Des secteurs qui ont été très fortement impactés par la pandémie, donc nous sommes arrivées dans un contexte très particulier.

Brigitte : Rétrospectivement, rien n’est difficile. Se lancer dans une aventure entrepreunariale est un parcours semé d’embûches, de surprises et qui nécessite détermination, persévérance, ténacité… Il faut avoir la capacité de se remettre en question et de s’adapter à tout moment. Aujourd’hui, nous sommes en ajustement quotidien pour ce qu’on doit faire dans l’entreprise, la façon dont on la développe, la manière avec laquelle on doit aller chercher nos clients. Il faut être extrêmement flexible, travailler sa résilience et toujours garder en tête l’objectif qu’on s’est fixé au départ.

Eva : Et grâce à cela, nous avons réussi à sécuriser les emplois de toute l’équipe.

Comment vous êtes-vous adaptées ?

Eva : De mon côté, j’ai surtout travaillé sur tout l’aspect « produits », avec l’urgence de créer une nouvelle offre pour Noël. Il s’agit de la plus forte saison pour nos produits puisqu’on va pouvoir choisir d’offrir une boîte de sucres moulés comme on va choisir une boîte de chocolats ou une boîte de biscuits. Ca a été notre première action : créer de nouveaux produits et une nouvelle offre pour Noël, tout en reprenant contact avec les clients existants pour leur présenter cette collection. Nos clients historiques comme La Grande Epicerie et Les Galeries Lafayette nous ont suivi, et les signes sont plutôt encourageants. Les sorties de caisse -ce que ces magasins vendent- nous montrent que les nouveautés et les éditions limitées créées pour Noël fonctionnent plutôt bien.

Brigitte : Le deuxième axe que nous avons priorisé, a consisté à remettre l’entreprise en mouvement puisqu’elle était un peu en sommeil. Au-delà de la partie « produits », communication et réactivation des réseaux de clientèle, il a aussi fallu reconstituer les stocks, remobiliser les équipes de production, s’assurer d’avoir les produits au bon endroit au bon moment pour honorer les quelques commandes que nous avons eues pendant cette période. Sans parler d’une grosse activité de recherche de financements et d’aides pour nous accompagner dans ce moment compliqué. Donc activité partielle, exonérations accordées par l’Etat, sollicitation du PGE… On s’est vraiment concentré sur les aides octroyées par l’Etat dans le cadre du plan d’accompagnement des entreprises face à la crise.
Puis en septembre/octobre, nous avons eu des signes très encourageants pour la reprise. Mais le nouveau confinement fin-octobre a mis un coup d’arrêt brutal aux commandes et au chiffre d’affaires sur le mois de novembre. Aujourd’hui, grâce à la réouverture des grands magasins et des boutiques, l’activité repart. Mais pour le segment des hôtels (sans touristes) et restaurants (fermés), ça reste compliqué. Notre activité d’export est aussi impactée. Nous avons très peu de visibilité sur l’évolution de la situation et nous sommes, comme beaucoup de TPE et PME, suspendues aux annonces du gouvernement. C’est ce qui rythme notre activité.

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Quelle est la particularité de Canasuc ?

Eva : Aujourd’hui c’est une société artisanale d’une dizaine d’employés. C’est-à-dire que nos sucres sont moulés et conditionnés à la main. On vient donner une touche de poésie au moment du thé, du café ou même du chocolat chaud avec un sucre moulé en une forme beaucoup plus esthétique qu’un simple cube de sucre. La technique du façonnage est un savoir-faire exigeant avec des manipulations « à la main » de sucres fragiles. Le fondateur de Canasuc a créé toute cette chaîne de valeurs autour de la créativité, de l’excellence, du partage et de la qualité autour de sucres raffinés. Et nous avons à coeur de préserver cet héritage qui rend hommage à l’élégance à la française.

Brigitte : Nous avons aussi une autre activité, un peu plus marginale, qui est la personnalisation de sucre. On travaille pour certaines marques, des sucres à l’effigie de leur logo… des sucres personnalisés. Aujourd’hui, on fait des H de Hermès, des T de Tiffany, on a fait des sucres pour Yves Saint Laurent l’année dernière… On travaille aussi avec Armani, l’hôtel 5 étoiles Byblos à Saint-Tropez. Et nous avons d’autres projets qui devraient aboutir en 2021.

Quel est le processus de création d’un sucre Canasuc ?

Brigitte : Sur un processus de fabrication, il y a au départ un brainstorming commun. L’équipe phosphore autour des idées qui ont déjà fonctionnées, des tendances de marché, de nos différentes typologie de clientèle. Ensuite, nous avons une responsable image en interne qui va s’occuper du design des sucres. Une fois qu’on est d’accord sur ce que l’on souhaite faire comme modèle, elle imprime des sucres en 3D pour que l’on valide le format, la taille, etc. Elle sort ensuite un prototype du moule pour que le mouleur puisse tester et vérifier que le produit ne se casse pas, que le motif ressort bien, etc. Une fois toutes ces étapes validées, on commande le moule chez notre prestataire avant de lancer la fabrication. Ensuite, on passe à la création du packaging pour pouvoir présenter le produit à nos clients pour qu’il puisse être référencé puis vendu dans leurs points de vente. Et l’avantage d’être dans une TPE/PME, c’est que tout ça se fait sur une période très courte, environ 3-4 mois.

VISUEL CP NOEL20

Comment envisagez-vous 2021 ?

Brigitte : Notre objectif c’est d’arriver régulièrement avec de nouvelles collections avec, en plus, le temps fort de Noël. Donc nous planifions environ 4 nouvelles collections de sucre sur une année, avec environ une nouveauté par trimestre en fonction des modes, des marchés et des tendances. Les éditions limitées sont à utiliser avec parcimonie car créer un moule reste un investissement qu’il faut pouvoir amortir.

Eva : Ensuite, bien sûr, on espère se développer, embaucher, mais nous ne sommes pas en mesure de dire quand. Nous essayons d’anticiper 2021 qui sera très certainement une année encore compliquée. Le parcours pour sortir de la pandémie ne sera pas simple pour des TPE comme la nôtre. Nous sommes dans un univers d’entreprise qui a plus ou moins souffert de cette période, ou en tout cas, qui est dans un changement de modèle. Il faut être honnête, nous sommes sous perfusion et essayons de survivre. Demain, comment l’Etat va pouvoir jouer son rôle ? Beaucoup de questionnements sur l’avenir alors que nos enjeux, en ce moment, sont à court terme.

Brigitte : On se prépare en travaillant plusieurs scénarios : un plan d’action où tout va bien, tout rouvre mais aussi une hypothèse où il faudra refermer ce qui nous permet de prendre en compte la réalité. En fonction de ces deux scénarios de chiffres d’affaires, on a deux scénarios de dépenses. Mais évidemment nous avons plein de rêves à long terme.

Justement, quels rêves de collaboration avez-vous ?

Brigitte : Dans la grande distribution, Monoprix. On en rêve. Après en termes d’hôtellerie-restauration, nous avons de jolis produits à proposer pour des restaurants gastronomiques, un peu haut de gamme, étoilés. Nous avons des choses à leur proposer pour que, au moment du café, ils puissent se différencier. Mais vu la situation actuelle, on préfère les laisser tranquille et ne pas les solliciter. Notre priorité reste de dynamiser nos clients actuels tout en travaillant à l’acquisition de nouveaux clients sur des marchés pas encore explorés par la société. Quand on y réfléchit, il y a plein d’occasions de vendre du sucre. Reste à voir où est-ce que ça fonctionne en ce moment. Par exemple aujourd’hui, Canasuc est très peu présent auprès des torréfacteurs et ils font partie de nos cibles. Ensuite, quand cette activité reprendra, les aéroports nous intéressent.

Après ces quelques mois à travailler en Seine-et-Marne, que pensez-vous du territoire ?

Brigitte : Que du bien ! Depuis la fenêtre de notre bureau à Ury, on a vue sur la campagne. Ce sont de grands espaces plaisants et agréables, surtout que nos locaux s’étirent sur 2 000 m2.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Brigitte : Le plus important, c’est d’être enthousiaste. Ne pas céder au fatalisme ou au pessimisme. Avoir des projets et avoir envie de les amener jusqu’au bout.
Eva : Il faut aussi savoir reconnaître ses succès. Même si à l’échelle de Canasuc, nous avons encore beaucoup de défis à relever, qui sont notamment liés au contexte, en six mois, nous avons beaucoup accompli et nous sommes fières d’avoir repris l’entreprise.

Montage Canasuc

Quand le sucre prend des allures de haute couture, il devient le cadeau idyllique et idéal pour mettre de la douceur au moment des fêtes, surtout lorsqu’il s’agit de parer ses tasses de poésie. Les créations de Canasuc jouent finement avec les codes de l’art de vivre français, et les éditions limitées de cette fin 2020 ne dérogent pas à la règle. Brigitte Texier et Eva Beschemin ne nous ont pas dévoilé leur recette de fabrication, ni le détail de leur savoir-faire. Un secret bien gardé dans leur atelier à Ury à quelques kilomètres de Fontainebleau. On ne peut que leur souhaiter de réussir à développer leur activité en Seine-et-Marne et bien au-delà.

Plus d’informations sur www.canasuc.com
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