Interview Samia Golano-Hirèche

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7Mars. 24
Lu en 9 min.
Paroles d’athlètes

Samia Hirèche est une rameuse franco-algérienne qui a participé aux JO d’Atlanta en 1996 puis à ceux de Sydney en 2000 sous les couleurs de l’Algérie. Première algérienne à représenter son pays dans cette discipline aux Jeux Olympiques, elle fait partie de ces femmes qui ont marqué l’histoire du sport au féminin et de l’évolution de la représentation des sportives dans ce milieu. Installée depuis 2004 à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne, berceau de l’aviron, elle entraîne les J12 et J14 au Cercle Nautique de France à Neuilly-sur-Seine.

À l’approche des JOP Paris 2024, quels sont les souvenirs les plus marquants de votre participation au JO d’Atlanta puis de Sydney ?

J’ai de grands et beaux souvenirs … à ma première participation aux Jeux Olympiques, je me souviens d’avoir un peu subi les premiers jours car c’était tout nouveau pour moi et je n’avais que 20 ans ! J’étais très jeune, je ne mesurais pas l’ampleur de cet événement, et il faut dire que j’étais un peu toute seule comme la fédération n’était pas encore suffisamment bien développée. Mon plus beau souvenir, c’est surtout d’avoir été aux côtés de grands athlètes de renommée, moi avec mon petit niveau, c’était impressionnant ! 

Je me souviens encore, quand je suis entrée dans le stade olympique lors de la cérémonie d’ouverture et que j’ai vu tout ce monde, je me suis dit « oui je fais partie de cet événement-là » !  C’est vraiment quelque chose d’intense à vivre sur le moment. Que ce soit à Sydney ou à Atlanta c’était très fort mais j’ai quand même plus apprécié les jeux de Sydney car c’était la seconde fois pour moi. Là, j’ai mesuré la chance que j’avais de pouvoir participer à un événement comme celui-ci.

Y-a-t-il des athlètes qui vous ont inspiré ?

Oui il y avait les rameurs Jean-Christophe Rolland, Michel Andrieux ou encore Helene Cortin, Christine Gosset, et Bénédicte Luzuy mais aussi d’autres athlètes de disciplines différentes. Ils étaient phénoménaux, ce sont des monstres de l’aviron et une fois qu’on les côtoie on voit qu’il faut beaucoup de travail pour en arriver là.

En 1996, vous avez participé en tant que femme à cette discipline qui était plutôt masculine, comment avez-vous vécu cette expérience ?

Je ne mesurai pas l’importance de cet événement alors qu’en tant que femme j’étais la première à représenter l’Algérie à cette discipline. C’était quelque chose d’important pour les autres femmes et petit à petit ça l’est devenu pour moi aussi. C’était quelque chose d’unique, j’ai été très honorée de pouvoir être cette première femme dans l’aviron algérien à atteindre ce niveau. Parce que pour les femmes dans certains sports il n’était pas possible d’y participer ou il fallait porter une tenue spéciale pour ne pas montrer certaines parties du corps. Mais nous, les athlètes, nous sommes là pour l’amour du sport. En tant que fille de la cité, il fallait que je m’en sorte du mieux que je pouvais. Mes parents m’ont toujours encouragé à faire du sport, tout comme mes frères et sœurs, et je me donnais à fond. Il faut que les femmes s’accrochent ! Dans le sport je l’ai ressenti, et on a encore du mal aujourd’hui à se faire sa petite place. On vous dit : « tu as encore du chemin à faire pour te mesurer aux hommes ! ». Physiologiquement il y a une différence, mais les femmes nous sommes aussi très appliquées et techniques donc on se défend vraiment bien !

Pourquoi avoir choisi l’aviron ?

En fait c’est mon parcours scolaire qui a fait que je me suis orientée sur l’aviron. C’est une copine de classe qui m’a proposé de venir essayer l’aviron, je suis allée avec elle et je suis restée. La première fois que j’ai fait de l’aviron, c’était au club de Mantes-la-Jolie parce que j’habitais là-bas. J’allais au collège à côté. J’ai fait une première session d’initiation et je me suis dit « ça, ça va être un sport qui va m’aller ». Ce que j’aime dans ce sport c’est le fait d’être sur l’eau, le fait de pouvoir se déplacer par sa propre force et le fait de pouvoir flotter. Le bateau est un engin long et fin, il faut trouver son équilibre. Ce que j’ai aimé c’est d’avoir ce rapport à l’eau et à l’environnement dans lequel on évolue, c’était quelque chose qui m’a vraiment marqué.

C’est un sport ingrat qui demande beaucoup d’entraînement, de logistique mais qui est sublime,

Mon entraîneur de l’époque m’a beaucoup enseigné et cru en moi, tout comme ma famille qui a toujours été un soutien de tous les jours. Le sport est une histoire de famille et mes frères et sœurs sont passés aussi par l’aviron et le rugby : mon frère est Saïd Hirèche, c’est un grand joueur de rugby à Brive-La-Gaillarde, il a aussi fait ses armes à Mantes, puis au Stade Français, à Aurillac et Brive depuis 12 ans.

Y-a-t-il un sport que vous auriez aimé pratiquer autre que l’aviron ?

Dans les autres activités sportives, j’aimais beaucoup l’athlétisme, le rugby et le judo parce que j’en avais déjà pratiqué en étant plus jeune avant de venir à l’aviron.

Que diriez-vous aux athlètes seine-et-marnais qui seront qualifiés pour les JO ?

Je leur dirais déjà « bon courage », de garder la tête froide et sur les épaules parce que quand on participe à ce genre d’évènement on peut vite être submergé. Il faut rester dans son couloir, produire le meilleur de soi et proposer une performance qui soit digne de tous les entrainements et sacrifices que l’on peut faire ! Quand on est qualifié ça veut dire qu’on a bien bossé !! Je comprends quelle est la dureté du travail avant d’arriver sur le podium. Moi j’ai fait aussi beaucoup de sacrifices mais je ne regrette pas. À partir du moment où vous avez votre entourage proche qui vous soutient, le reste suit.

Pensez-vous que l’on parle suffisamment de nos athlètes et sportifs de haut niveau ?

Non, pas assez je trouve, entre 2 championnats par exemple, il y a énormément de travail.  L’évolution entre une période et l’autre peut être phénoménale voir destructrice aussi. Car un athlète s’entraine beaucoup donc il est sujet aux blessures physiques et psychologiques parce que quand on ne peut pas atteindre les performances visées, c’est très difficile à vivre. Le système n’est pas fait pour que l’on puisse rester à ce haut niveau. Si on avait un accompagnement plus régulier et sur la durée entre chaque championnat par exemple, on pourrait développer de super potentiels sur le long terme ! Les sports olympiques ne sont pas tous des sports professionnels, les athlètes doivent bien souvent avoir une activité professionnelle en parallèle pour vivre et s’entraîner à côté. On ne peut pas réellement vivre du sport ce qui peut porter des dommages car la fatigue est là et le rythme est très dense. On s’entraine entre 3 à 6h par jour au minimum. Certains athlètes sont encore étudiants, donc ils doivent se lever très tôt avant les cours pour s’entraîner, puis jongler avec les devoirs et les entrainements tout le temps. Il faudrait les applaudir tous les jours pour leur mérite !

25 ans plus tard, êtes-vous toujours aussi passionnée par l’aviron ?

Oui ! Aujourd’hui je suis entraîneur au Cercle Nautique de France à Neuilly. J’entraîne les jeunes de 12 à 14 ans principalement… et dès que je vois quelqu’un qui passe, je donne toujours des petits conseils. J’essaie de transmettre ma passion, j’ai eu la chance de pouvoir atteindre un certain niveau, et tout le monde n’a pas cette chance-là. J’ai envie de leur montrer que c’est faisable. Je m’entraine encore car un tant qu’entraineur je dois continuer à montrer l’exemple ! Dès qu’on peut, il faut montrer qu’on tient encore la route, il faut continuer à motiver les jeunes. Quand vous voyez leur sourire c’est le plus beau des cadeaux.

Quelles sont les valeurs que vous transmettez aux jeunes que vous entrainez aujourd’hui ?

Continuer à être soi-même, travailler toujours aussi fort pour atteindre l’objectif qu’on s’est fixé. Se respecter les uns les autres, avoir cet état d’esprit qui te permet de te mesurer à quelqu’un dans une épreuve mais aussi d’être potes en dehors. Partager l’expérience et la différence avec les autres, le respect. C’est tout ce que nos parents nous ont inculqué, que l’on garde en nous. Dans la course aux qualifications, il peut aussi y avoir des déçus, mais c’est ça le sport, c’est aussi ce qui fait sa beauté.

Aujourd’hui vous êtes installée en Seine-et-Marne, pourquoi avoir choisi ce département ?

C’est surtout en rencontrant mon compagnon qui est natif de Seine-et-Marne que j’ai découvert ce territoire. Je le connaissais de nom, j’y étais déjà venue à Fontainebleau notamment pour faire de l’escalade. J’ai trouvé la forêt de Fontainebleau absolument magnifique. Il y a des endroits, des petits sentiers et petits recoins vraiment charmants, on ne soupçonne même pas que c’est aussi beau que ça.

Il y a-t-il des endroits que vous affectionnez plus particulièrement ?

On a la chance d’avoir la forêt juste à côté de chez nous. Quand il fait beau, c’est très agréable vers les Gorges de Franchard. À Dammarie-les-Lys on a la chance d’avoir la forêt juste à proximité, quand je peux j’y fais mon footing, ce qui me permet de rencontrer parfois des biches et autres petits animaux. On a aussi une belle ferme pédagogique pour les petits et grands. Les berges de Seine sont aussi très agréables.

Comptez-vous aller voir les épreuves d’aviron au Stade Nautique de Vaires ?

Je ne pourrais pas y aller sur site mais je les suivrai à distance ! Ce sera très intense. Je tire mon chapeau à chaque fois et pour chaque discipline, le sport est vraiment beau. En ce qui concerne le stade nautique de Vaires-sur-Marne, j’y vais souvent notamment lorsque l’on a des compétitions avec le club, c’est un bel espace pour l’entrainement et la compétition.

Samia, avez-vous un dernier message à faire passer à nos lecteurs ? 

Je tiens à vous remercier avec cet interview car en racontant mon histoire, ça peut donner envie aux jeunes et à ceux qui se posent des questions de s’accrocher. Car oui, c’est possible, la preuve est que « la petite beurette de quartier », comme on m’a surnommé, a réussi à faire les Jeux Olympiques !  Il y a beaucoup de jeunes que j’entraîne qui viennent me voir après les cours en me disant que grâce à mon soutien ils avaient pu s’exprimer. J’ai travaillé aussi en tant qu’éducatrice à Mantes-la-Jolie au service des sports, et on a vu pas mal d’athlètes s’en sortir aussi grâce à ces valeurs qu’on leur a enseignées. C’est une fierté. Le sport c’est une école de la vie.

Merci Samia de nous avoir fait naviguer dans votre passé olympique avec ce témoignage.  Nous espérons que vos paroles d’encouragement donneront courage et chance à tous nos athlètes seine-et-marnais !

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