Bruno Clergeot. L’homme qui murmurait aux pétales des roses
La roseraie de Provins, c’est l’histoire d’un lieu paisible et poétique que l’on compte parmi les 7 jardins remarquables de Seine-et-Marne mis en lumière cette année dans le cadre de la programmation « Incroyables jardins ! Émotions et découvertes au fil des saisons ». Un événement qui vise à préserver, restaurer et valoriser les parcs et jardins participants à l’identité de la Seine-et-Marne. Pour cette occasion nous avons décidé de partir à la rencontre de Bruno Clergeot, propriétaire de la roseraie depuis 16 ans.
Dès le premier pas posé dans ce lieu, le temps semble suspendu, empli de délicatesse et de féérie qui se dévoile tout autour de nous. À quatre pattes dans ses massifs, sécateur en main, Bruno se redresse et salue ses visiteurs qui en profitent pour lui demander des anecdotes sur l’histoire de la Rose de Provins. Quelques signes de mains plus loin, c’est autour d’un thé parfumé aux fleurs dans le petit salon de la roseraie, avec un fond sonore jazzy, que nous commençons l’interview.
Bruno, pouvez-vous nous parler de votre lien à la rose ?
Cela commence juste avant ma retraite, lorsque j’étais agriculteur, après avoir transmis mon exploitation à ma fille, j’ai eu envie de développer un autre projet. Mon épouse était guide conférencière et c’est elle qui m’a lancé sur la voie de la rose. En tant que provinois, je voulais démontrer que toutes les roses que l’on voit au quotidien, viennent de la Rose de Provins ! En faisant l’acquisition en 2007 de cette ancienne pépinière laissée à l’abandon, j’ai voulu me consacrer à la culture des roses, je suis donc allée voir tous les créateurs de roses, Meilland, Delbard et d’autres qui se sont réjouis de ce projet de mise en lumière de notre emblématique Rose de Provins gallica officinalis. Et puisque la cité médiévale était inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2001, cette rose devait également être préservée ! Je commence donc « les premiers coups de pioches » le 7 mai 2007 et depuis je suis toujours aussi passionné de travailler dans mon jardin tous les jours, et de pouvoir communiquer et partager l’histoire de la rose avec les visiteurs.
Vous parlez de patrimoine et de cette incroyable ville historique, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l’histoire de cette rose connue mondialement ?
On raconte que Thibaud IV de Champagne a importé avec lui de sa croisade en 1240 la Rose de Damas. En réalité et botaniquement parlant cette rose est une gallique, l’appellation Rose de Damas est a été faite bien plus tard ! Utilisée pour ses vertus médicinales pour soigner de nombreux maux et reconnue pour son parfum, le Comte de Champagne fait cultiver cette rose sur les terres provinoises. Ses pétales sont vendus à des prix très élevés par le biais des foires de Champagne, l’activité des apothicaires de Provins est par conséquent très développé à cette époque. Aussi, pour compléter l’histoire de cette rose, on peut dire que la Gallica est la mère de toutes les autres roses puisqu’elle a fait naître la plupart des variétés que nous retrouvons aujourd’hui dans nos jardins. On la reconnaît avec ses 5 pétales, sa couleur carmin, ses vertus médicinales et culinaires mais aussi par sa senteur unique.
Aujourd’hui vous faites perpétuer la légende de la Rose de Provins à travers votre activité, comment conciliez-vous l’histoire de la ville à ce lieu de charme unique dans la région ?
La roseraie est un lieu de rencontre, un jardin, une boutique, un salon de thé, qui ont aussi pour vocation de créer du lien entre Provinois et touristes. Comme dans une bulle, vue sur le jardin, les visiteurs peuvent prendre le temps d’admirer, de discuter et de passer un moment délicieux ici.
Avec Fanny Plaquet, ma collaboratrice, nous nous efforçons de suivre le rythme des saisons en respectant la nature comme autrefois. Ici vous ne trouverez pas de produits chimiques ni dans l’entretien de nos rosiers ni dans la confection de nos produits. D’ailleurs, nous avons une grande nouveauté côté boutique avec la fabrication de notre confit aux pétales de roses de Provins 100% naturel ! Il ne sera en vente qu’ici tout comme la glace aux pétales de rose que vous pouvez déguster dans le salon de thé. Fanny prélève avec beaucoup de soin et de délicatesse les pétales de nos roses pour que leurs saveurs soient préservées et soient à l’origine de ces produits uniques.
En devenant propriétaire de cette ancienne pépinière, j’ai voulu faire de ce lieu une roseraie du XXIème siècle, vivante et accueillante. Avec ses petites ardoises sur lesquelles on retrouve les noms de roses écris en français, pour que ce jardin puisse être un lieu accessible, un jardin que l’on pourrait dupliquer chez soi.
Vous parlez d’un jardin que l’on pourrait faire chez soi, pourriez-vous nous donner quelques conseils pour réussir son jardin et prendre soin de ses rosiers à la maison ?
On plante à l’automne, car la végétation du rosier est ralentie, la sève redescend aux racines, c’est le bon moment pour prélever les rosiers sans risque et les mettre en pot pour les entretenir tout l’hiver.
À l’automne, on peut également nourrir la terre et planter. L’emplacement idéal pour un rosier est celui où il y aura 5 à 6 heures d’ensoleillement par jour. On peut planter plein sud mais il faut faire attention aux variétés rouges foncées et à couleurs prononcées car elles grillent plus facilement à la chaleur. Si vous adorez ces couleurs, vous pouvez toujours mettre un parasol si le rosier est exposé en pleine canicule ! Pour ce qui est de l’arrosage, on arrose toujours au pied et jamais les feuilles pour éviter les maladies liées à l’humidité, cela fait proliférer les champignons. Une fois planté on arrose bien en plusieurs fois pour laisser à la terre le temps de s’imbiber et de se ramollir.
Juste avant le printemps, fin février ou début mars, pensez à bien évider le centre du rosier pour que le soleil rentre bien au centre et soit aéré, toujours pour éviter l’humidité et la prolifération de parasites. Au printemps, qu’ils soient hybrides ou modernes, les rosiers doivent être taillés. Après la floraison en juillet, toutes les fleurs fanées doivent être supprimées pour que de nouvelles tiges se développent.
Avez-vous un petit secret à nous dévoiler pour avoir de magnifiques rosiers comme ici ?
Une astuce pour avoir de belles roses ? Allez dans votre jardin tous les jours ! Pour avoir un beau jardin il ne faut pas se contenter de copier le jardin du voisin, il faut surtout penser et faire un jardin qui nous ressemble et qui correspond au temps que nous pouvons lui consacrer. Faites un jardin avec le temps de disponible que vous avez ! Vous n’êtes pas obligé de tondre l’ensemble de votre jardin, laissez des zones de prairies fleuries, la faune et la flore seront tout aussi belles ! Avec 1 ou 2 heures par semaine à lui consacrer, votre jardin peut être tout aussi merveilleux qu’un grand jardin ! N’oubliez pas que le but d’un jardin c’est qu’il procure du plaisir !
Merci Bruno pour ce moment de partage autour de la Rose de Provins, nous reviendrons déguster votre glace et confit aux pétales de roses dès cet été !